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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 43e Législature
Volume 151, Numéro 12

Le mercredi 26 février 2020
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 26 février 2020

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les Jeux d’hiver de l’Ontario de 2020

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, les Jeux d’hiver de l’Ontario débutent demain dans ma ville, Orillia, qui a l’honneur d’accueillir cet événement pour la deuxième fois. Au cours des quatre prochains jours, plus de 3 000 jeunes athlètes s’affronteront dans 27 disciplines sportives qui se tiendront dans des sites à Barrie, Oro-Medonte, Rama et Severn.

Âgés entre 12 et 18 ans, les athlètes rivaliseront dans des disciplines comme le biathlon, le hockey en salle, le karaté, l’escrime, le kick-boxing, le hockey sur luge et le curling en fauteuil roulant.

C’est un honneur pour la ville d’Orillia d’accueillir cet événement sportif passionnant et d’avoir l’occasion de mettre en valeur ses magnifiques atouts et son dynamisme. Les Jeux d’hiver de l’Ontario de 2020 attireront non seulement des milliers de participants, d’entraîneurs et d’officiels, mais aussi environ 5 000 spectateurs venus des quatre coins de la province.

Pour la première fois de l’histoire, on prévoit que les jeux se tiendront à guichets fermés. On s’attend à ce qu’ils aient un impact énorme sur l’économie locale en générant des retombées de plus de 5 millions dollars.

Le Comité organisateur des jeux, qui est formé de dirigeants communautaires, a travaillé fort pour faire des jeux de cette année une réalité. Comme pour tous les événements d’envergure de ce genre, cet événement n’aurait pas été possible sans les efforts extraordinaires de plus de 800 bénévoles. Le thème des jeux de 2020 est « Laissons-nous inspirer par la quête de l’or ». Les passionnés des Jeux d’hiver de l’Ontario reconnaîtront la mascotte, « Pachi », qui a été meneur de claque en chef d’autres jeux. Il arbore les couleurs rouge, verte et bleue, qui représentent l’inspiration, la possibilité et la communauté respectivement.

Durant la cérémonie d’ouverture, la foule sera divertie par des prestations du chœur de l’École primaire Mnjikaning Kendaaswin, de l’Orillia Legion’s Pipes & Drums et du groupe local The Free Label. De plus, une murale commandée à un artiste local sera dévoilée. Cette murale sera conservée de façon permanente dans le nouveau centre récréatif ultramoderne d’Orillia.

Honorables sénateurs, veuillez-vous joindre à moi pour encourager les jeunes athlètes de la province. J’espère sincèrement que ces jeux seront couronnés de succès et que la sportivité, la poursuite de l’excellence et la fierté provinciale y seront à l’honneur. Merci, meegwetch.

Le décès de Robert H. Lee, O.C., O.B.C

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, nous pleurons la perte d’un grand Canadien, d’un philanthrope, d’un homme d’affaires et d’un pionnier de la communauté chinoise de Vancouver, M. Robert Horne Lee. Né à Vancouver le 25 juin 1933, Robert Lee est le sixième de sept enfants, fils de Ron Bick Lee et de sa conjointe, King Choon. Il a grandi dans le quartier chinois de Vancouver. Honorables sénateurs, il faut se rappeler que, en 1933, les Chinois au Canada étaient considérés comme des étrangers, et non comme des citoyens canadiens, même s’ils étaient nés ici.

La situation a changé après la Deuxième Guerre mondiale, en 1947, grâce à des héros sino-canadiens comme Douglas Jung, qui est allé à la guerre pour le Canada. M. Jung est devenu le premier député d’origine chinoise au Canada, et il s’est battu pour obtenir le droit à la citoyenneté canadienne pour tous les Asiatiques du pays.

Homme aux origines modestes, Robert Lee est devenu une figure respectée du milieu des affaires en établissant des entreprises comme Wall Financial et Prospero Realty. Philanthrope généreux, il a soutenu un grand nombre de projets et d’activités dans la communauté chinoise du Grand Vancouver ainsi que d’autres bonnes causes. Pensons au centre YMCA Robert Lee, situé dans le centre-ville de Vancouver.

Tout aussi impressionnant était le soutien qu’il offrait à l’Université de la Colombie-Britannique, en tant que fier diplômé de cette institution. Il a été gouverneur puis recteur de cette université ainsi que président de sa fondation. Son plus grand legs est l’UBC Properties Trust, qui assure l’avenir de l’université grâce à un fond de 1,7 milliard de dollars, qui devrait atteindre 4 milliards de dollars. Martha Piper, ancienne présidente de l’université, l’a appelé « Monsieur UBC, le meilleur ami de l’université ». Je suis également une diplômée de l’université et je suis très fière d’avoir la même alma mater que Robert Lee.

Son leadership entrepreneurial et sa volonté d’aider la société ont été reconnus aux plus hauts niveaux. Il a reçu l’Ordre de la Colombie-Britannique, ainsi que l’Ordre du Canada.

Honorables sénateurs, Bob Lee laisse derrière lui un bel héritage de gestes philanthropiques et de réussite entrepreneuriale. Les gens se souviendront longtemps de lui, particulièrement lorsqu’ils iront au Robert H. Lee Alumni Centre, un édifice avant-gardiste, tout comme les étudiants de Sauder qui fréquenteront l’école supérieure Robert H. Lee Graduate School dont il fut l’inspiration.

Robert Lee était un pionnier dans le sens le plus strict du mot. Il a levé des obstacles, eu du succès en affaires et gagné le respect par sa philanthropie; il laisse un héritage imposant.

(1410)

Honorables sénateurs, je vous prie de vous joindre à moi pour rendre hommage à un Canadien exemplaire et exprimer nos sincères condoléances à sa femme bien aimée, Lily, et à ses enfants Carol, Leslie, Derek et Graham.

Des voix : Bravo!

Le décès de James « Jim » Giczi

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à un habitant du Yukon, à un Canadien qui croyait peut-être que ce qu’il faisait en tant qu’agent de la GRC, que mari, que père et que membre du Club de hockey des anciens était ordinaire, mais Jim Giczi était vraiment une personne extraordinaire.

Le 6 septembre 2019 était une magnifique journée au Yukon. Le sergent Jim Giczi et ses amis sont allés se promener en motocyclette sur la magnifique route du Klondike.

Sur le chemin du retour, Jim, qui était seul sur sa moto derrière ses amis, a eu un problème médical. En dépit des efforts déployés par l’excellent personnel médical qui se trouvait relativement près, Jim est mort.

Il est toujours difficile de perdre quelqu’un, surtout lorsqu’il s’agit d’une personne âgée de seulement 56 ans qui commence à penser à la retraite. Le décès de Jim a été particulièrement difficile pour les Yukonnais.

Au début de mon discours, j’ai utilisé le mot « extraordinaire ». Laissez-moi vous dire pourquoi. La première fois que j’ai rencontré Jim, c’est quand je siégeais comme députée à l’Assemblée législative du Yukon. Giczi, comme on l’appelait, est entré dans mon bureau vêtu d’une chemise et d’un short. Peu importe où et quand on rencontrait Jim, et peu importe le temps qu’il faisait, il portait un short.

À l’époque, Jim faisait du lobbyisme pour le milieu des premiers intervenants dans le but de faire modifier la loi afin d’exiger une analyse du sang des prévenus qui avaient craché sur un premier intervenant ou qui l’avaient mordu pour que ce dernier, au besoin, puisse commencer un traitement.

Le sergent Jim Giczi, membre de la GRC depuis 28 ans, était chef de la section d’identité judiciaire de la Division M de la GRC à Whitehorse. En 2007, dans le cadre d’une enquête, il n’a pas pu déterminer la marque et le modèle d’un pneu à partir de son empreinte. Le logiciel à sa disposition était incapable d’établir une correspondance.

Jim a alors décidé d’occuper son temps libre à la création d’une nouvelle base de données qui permettrait à la police de faire correspondre une empreinte de pneu à une marque et un modèle précis de pneu. Ce passe-temps, cette passion devrais-je dire, lui a permis de créer la seule base de données qu’utilise aujourd’hui le Centre d’information de la police canadienne lorsqu’on découvre des empreintes de pneus sur une scène de crime au Canada, peu importe l’endroit ou le service de police concerné. Ce passe-temps personnel de Jim a joué un rôle déterminant dans l’arrestation de l’ancien colonel Russell Williams en 2010. En 2015, le gouverneur général a remis à Jim la Médaille du service méritoire pour son travail.

Mais les services extraordinaires rendus par Jim ne s’arrêtaient pas à son travail. Mari aimant de Tanis et père dévoué de Zach et d’Alex, c’était le collègue de travail qui était toujours le premier sur le pas de la porte pour offrir son soutien quand quelqu’un revenait d’un congé de maladie.

Jim avait l’esprit communautaire, et la communauté s’est souvenue de lui d’une façon qui sort plutôt de l’ordinaire. Nous étions rassemblés dans le gymnase d’une école locale. Il y avait une haie d’honneur formée par des agents de la GRC dans leur uniforme rouge. À la demande de Tanis — et probablement selon les souhaits de Jim —, le reste des gens présents étaient vêtus de shorts et de chandails de hockey.

Le Club de hockey des anciens a débuté sa saison peu après la cérémonie. Sur leur chandail, les joueurs portaient un petit écusson arborant les initiales « JG ». C’est entre autres avec des chandails de hockey, des shorts et de la musique comprenant du AC/DC — je vous laisse deviner la chanson — que nous avons pleuré la perte d’un membre vraiment extraordinaire de notre communauté. Cela nous a consolés de savoir que Jim l’aurait voulu ainsi et que tout cela était à son image : extraordinaire. Merci, sénateurs. Mahsi’cho.

Des voix : Bravo!

Le décès de Noel Browne

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à Noel Browne, psychologue, leader, mentor, collègue, défenseur des défavorisés et être humain empreint de compassion. Noel est décédé le 16 février. Il avait 73 ans.

Noel a passé la majeure partie de sa vie d’adulte à travailler avec les personnes ayant des besoins spéciaux, les personnes ayant une déficience intellectuelle et les personnes défavorisées ainsi qu’à défendre leurs droits.

J’ai fait la connaissance de Noel en 1988, lorsque je suis arrivée au ministère des Services sociaux de Terre-Neuve. À l’époque, il dirigeait le programme provincial visant à désinstitutionnaliser les personnes handicapées en leur offrant le soutien nécessaire pour qu’elles puissent vivre dans la collectivité, avec leur famille, seules ou dans des foyers de groupe. Terre-Neuve était considérée comme un chef de file dans ce domaine, et les représentants de nombreuses autres administrations étaient venus voir ce que Noel faisait.

Noel a su amener le personnel du ministère, des organismes à but non lucratif, la collectivité et les familles à travailler ensemble pour permettre aux personnes ayant des besoins spéciaux de vivre au sein de la société et d’y contribuer. C’était une force de la nature. Cela dit, c’était quelqu’un de doux qui avait un grand sens de l’humour. Il a touché de nombreuses vies, celles de personnes ayant une déficience et de leur famille, bien sûr, mais, aussi, celles de ses collègues et de ses connaissances. Il a laissé son empreinte partout où il est passé et il a enrichi nos vies.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour souligner l’apport de Noel à la société et présenter nos condoléances à sa famille.

Le projet de sanctuaire de baleines

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à Lori Marino, fondatrice du projet de sanctuaire pour cétacés The Whale Sanctuary Project, qui a annoncé le 25 février 2020 qu’un site avait été choisi pour le premier sanctuaire en bord de mer de l’Amérique du Nord, qui accueillera des baleines ayant séjourné dans des installations de divertissements.

Je tiens à féliciter la collectivité de Port Hilford, en Nouvelle-Écosse, qui, après avoir fait l’objet d’un processus de sélection approfondi parmi des centaines d’autres emplacements, a été choisie comme l’endroit idéal pour le sanctuaire. La collectivité, qui a reçu l’appui du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, est ravie et honorée d’avoir été sélectionnée.

Le sanctuaire accueillera des bélugas et transmettra à tous un message positif au sujet de ces mammifères, de la relation que nous avons avec eux et du respect que nous devons à ces animaux sociaux complexes, très intelligents et doués de sensibilité.

Ayant vécu dans deux provinces situées en bordure d’un océan et où se trouvent des baleines, j’aimerais souligner que cette réalisation remarquable a pris naissance au Sénat, avec la présentation du projet de loi S-203 par l’ancien sénateur Wilfred Moore. Le projet de loi a ensuite été parrainé par le sénateur Murray Sinclair, puis adopté à l’autre endroit l’an dernier. Je remercie tous les sénateurs qui ont appuyé ce projet de loi et les Canadiens d’un peu partout au pays qui ont refusé d’accepter qu’on leur dise « non » en ce qui concerne la mise en liberté de ces animaux majestueux. Il me tarde de voir le premier cétacé intégrer son nouveau milieu de vie et de promouvoir une relation plus respectueuse avec notre environnement au cours des prochaines années. Merci.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Le directeur parlementaire du budget

Budget supplémentaire des dépenses (B) 2019-2020—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget intitulé Budget supplémentaire des dépenses (B) 2019-2020, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, par. 79.2(2).

[Français]

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 10 mars 2020, à 14 heures.

[Traduction]

L’Union interparlementaire

L’assemblée et les réunions connexes, tenues du 11 au 17 octobre 2019 —Dépôt du rapport

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Union interparlementaire concernant la 141e assemblée et les réunions connexes, tenues à Belgrade, en Serbie, du 11 au 17 octobre 2019.

[Français]

ParlAmericas

L’assemblée plénière et la réunion du conseil d’administration, tenues du 30 octobre au 1er novembre 2019—Dépôt du rapport

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de ParlAmericas concernant la 16e assemblée plénière et la 49e réunion du conseil d’administration, tenues à Asuncion, au Paraguay, du 30 octobre au 1er  novembre 2019.

(1420)

[Traduction]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à exhorter le gouvernement à soutenir l’autonomie véritable du Tibet

L’honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à soutenir activement l’autonomie véritable du Tibet et, par conséquent, à demander également à la République populaire de Chine :

a)de renouveler le dialogue sino-tibétain de bonne foi et sur la base de l’approche de la voie du milieu;

b)de respecter les droits religieux du peuple tibétain et de cesser toute ingérence dans le processus de reconnaissance du successeur ou de la réincarnation du 14e dalaï-lama;

c)de respecter les droits linguistiques, la liberté de déplacement, de pensée et de conscience du peuple tibétain;

d)de libérer tous les prisonniers politiques tibétains, y compris le plus jeune prisonnier politique Gendhun Choekyi Nyima (panchen-lama), et de cesser toute détention arbitraire de dissidents;

e)d’accorder au Canada un accès diplomatique réciproque sans restriction au Tibet;

f)de protéger le plateau du Tibet qui sert de château d’eau pour l’Asie, et qui nourrit plus d’un milliard de vies en Asie;

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à soulever les enjeux tibétains en toute occasion avec la Chine en vue de prendre les mesures nécessaires additionnelles afin de réduire les tensions et de rétablir la paix et la stabilité au Tibet.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L’agriculture et l’agroalimentaire

Les barrages érigés en guise de protestation—La primauté du droit

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, lors d’une conférence de presse, hier, des groupes représentant le secteur agricole de partout au Canada, notamment la Fédération canadienne de l’agriculture, le Conseil canadien du porc, les Producteurs de poulet du Canada, Fertilisants Canada, l’association des producteurs agricoles de la Saskatchewan et l’Union des producteurs agricoles du Québec, se sont rassemblés pour montrer à quel point les blocages ferroviaires ont des effets dévastateurs sur le secteur agricole.

Mary Robinson, présidente de la Fédération canadienne de l’agriculture, a fait valoir qu’on ne peut pas continuer de prendre en otage le gagne-pain des agriculteurs chaque fois qu’un groupe veut faire pression sur des gouvernements. Elle a déclaré ceci :

Si les blocages continuent, il ne sera bientôt plus possible de s’approvisionner en propane pour chauffer les granges ou nourrir les animaux.

Monsieur le leader, les réserves de propane des agriculteurs de certaines régions seront à sec d’ici six à neuf jours. Pendant combien de temps les agriculteurs devront-ils encore attendre la fin des blocages des voies ferrées?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci beaucoup de votre question, honorable sénateur. La situation dans laquelle nous nous trouvons, qui est aussi celle des agriculteurs et des consommateurs, est très grave. Le gouvernement du Canada s’occupe du dossier. Les sénateurs savent que des arrangements continuent d’être pris entre les transporteurs ferroviaires et les fournisseurs d’autres modes de transport afin de minimiser les conséquences de la crise pour les Canadiens. On m’informe que le gouvernement travaille avec diligence pour tenter de résoudre ces questions de façon appropriée et rapide.

Toutefois, comme je me suis efforcé de le dire à maintes reprises dans cette enceinte, les questions sous-jacentes qui sont à l’origine de la crise sont ardues et complexes. Il est malheureusement impossible de déterminer à quel moment nous parviendrons à une conclusion ni si d’autres problèmes se présenteront.

Le sénateur Plett : Pour ce qui est de « travailler avec diligence », lorsque les agriculteurs le font, ils produisent des récoltes, ils produisent de la nourriture, mais ils ont besoin de propane. Lorsque le premier ministre dit : « Nous travaillons avec diligence », cela ne suffit pas, monsieur le Président. L’un des effets secondaires du blocus ferroviaire est de nuire à la réputation du Canada en tant que partenaire commercial fiable.

Mary Robinson, qui représente la Fédération canadienne de l’agriculture, a encore déclaré :

Si les pays ne peuvent pas compter sur le Canada pour respecter les accords conclus, ils chercheront bientôt d’autres partenaires commerciaux plus stables.

Les compagnies maritimes détournent vers les États-Unis des cargaisons en provenance d’Halifax. Les acheteurs ont dit aux pomiculteurs qu’ils seront obligés de s’approvisionner ailleurs.

Rien que la semaine dernière, les exportations de blé de Vancouver ont chuté de 68 %. L’industrie céréalière perd 9 millions de dollars par jour alors que nous travaillons avec diligence à ne rien faire.

Monsieur le leader, malgré tout cela, nous attendons toujours l’expression d’un sentiment d’urgence de la part du premier ministre. Quelles sont les préoccupations du gouvernement ou du premier ministre du Canada, le cas échéant, quant à l’impact à long terme de ces blocages sur notre commerce international?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je pense que les activités et les actions du gouvernement dans le contexte du commerce international ainsi que l’importance qu’il accorde à la réputation et à la crédibilité du Canada en tant que partenaire commercial fiable peuvent être soulignées. Les accords commerciaux internationaux que nous avons conclus et beaucoup d’autres initiatives en témoignent. Le gouvernement s’occupe de la situation et, comme nous tous, il s’inquiète de ses répercussions sur les Canadiens.

Il est toutefois impossible de ne pas remarquer qu’il existe diverses formes d’actions. Lorsque des Canadiens tiennent des manifestations pacifiques et légales, aussi gênantes soient-elles, la réponse du Canada est et devrait être de reconnaître la situation et de la régler de façon appropriée. Faire intervenir la police pour réprimer une manifestation légale et pacifique n’est pas une réponse appropriée. C’est pourquoi le gouvernement du Canada n’a pas choisi cette voie.

Lorsque des barrages illégaux ont été érigés et des demandes d’injonctions ont été présentées, le gouvernement a agi comme il se doit en cherchant des solutions pacifiques et en n’outrepassant pas son rôle constitutionnel en dictant à la police comment faire son travail.

Les ressources naturelles

Le secteur de l’énergie

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader, je ne comprends pas qu’il puisse être légal de brûler des pneus sur les rails, au passage des trains.

Quoi qu’il en soit, vous parlez des relations du Canada avec le monde. Ces relations suscitent de grandes inquiétudes. Dans ma province, par exemple, la mine Frontier de la société Teck Resources, dont le siège social est à Vancouver, fait partie d’une longue liste de projets annulés depuis l’arrivée des libéraux au pouvoir, en 2015, notamment Northern Gateway, Énergie Est, Pacific NorthWest LNG et Aurora LNG.

Dans les jours qui ont précédé le retrait de la demande de Teck, le ministre de l’Environnement, Jonathan Wilkinson, a déclaré que le Cabinet pourrait choisir de retarder sa décision concernant le projet. Le gouvernement est connu pour torpiller des projets au moyen de mesures dilatoires. Ainsi, dans le cas du projet Pacific NorthWest LNG, près de Prince Rupert, une décision a été retardée, et le projet a fini par être abandonné.

Sénateur Gold, la commission d’examen conjoint a présenté son rapport au gouvernement en juillet dernier, et celui-ci confirme que la mine Frontier va dans le sens de l’intérêt public. C’était il y a sept mois. Pourquoi le gouvernement libéral n’a-t-il pas pris une décision rapidement pour donner à Teck les assurances qu’il lui fallait pour mettre ce projet en chantier?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de poser cette question. Je précise que je ne désignais ni ne qualifiais une forme de manifestation ou une autre comme légale ou illégale. Votre commentaire me semble donc superflu.

Comme je l’ai mentionné ici hier, et comme le PDG de Teck l’a annoncé, l’entreprise a pris une décision d’affaires en fonction du régime général applicable à ces questions au Canada. Elle a pris une décision d’affaires pour plusieurs raisons, dont la pression exercée par leurs investisseurs pour préserver la rentabilité des activités. Par ailleurs, le régime en vigueur au Canada n’est pas la responsabilité exclusive d’un gouvernement; tous les ordres de gouvernement, les territoires et les communautés autochtones interviennent pour que nous ayons un régime adéquat de développement des ressources et des sources d’énergie durables, un régime compatible avec la nécessité de réduire les émissions et de passer à une économie à faibles émissions de carbone, comme nous en avons pris l’engagement. C’est la décision prise et annoncée par le PDG de Teck, et je n’ai rien d’autre à ajouter.

(1430)

La sénatrice Martin : Monsieur le leader, il y a eu des mois d’attente, et je suis sûre que c’est l’une des raisons derrière la décision. L’approbation du projet Frontier par le gouvernement aurait permis de rétablir la confiance envers le secteur de l’énergie, qui crée des centaines de milliers d’emplois pour les hommes et les femmes de tout le pays.

Monsieur le leader, si le gouvernement appuie vraiment le secteur canadien de l’énergie, pouvez-vous expliquer pourquoi des membres du caucus libéral à l’autre endroit ont parlé publiquement contre le projet minier Frontier pendant que le Cabinet examinait encore le dossier? Par ailleurs, si le gouvernement croit vraiment en l’avenir du secteur canadien de l’énergie, pourquoi aurait-il préparé ce qu’on appelle un programme d’aide pour la province de l’Alberta au cas où le Cabinet rejetterait le projet minier Frontier?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Qu’il soit question du projet de l’oléoduc Trans Mountain ou d’autres projets, les gestes du gouvernement indiquent clairement sa détermination à atteindre l’équilibre entre, d’une part, l’exploitation durable et responsable des ressources et, d’autre part, l’atteinte de nos objectifs en matière de lutte contre les changements climatiques.

Pour ce qui est de vos observations sur la planification en vue de fournir de l’aide aux personnes qui sont accablées, dans l’ensemble, par le ralentissement dans l’industrie pétrolière et d’autres secteurs, le gouvernement fédéral a la responsabilité — voire l’obligation, selon les gouvernements provinciaux — de venir en aide aux collectivités lorsque les circonstances le justifient. Le gouvernement croit donc avoir agi de façon responsable en commençant à faire des préparatifs au cas où les décisions auraient un effet négatif sur certains secteurs et dans des régions en particulier.

La sécurité publique et la protection civile

Les droits des femmes autochtones

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, ma question est pour le représentant du gouvernement au Sénat et porte sur des préoccupations que les chefs héréditaires des Wet’suwet’en ont à propos du projet Coastal GasLink.

Lors de la délivrance du permis en 2019, le Bureau d’évaluation environnementale a omis de faire une évaluation des risques que ce projet fait courir aux femmes autochtones. Comme nous le savons, la Charte des droits et libertés s’applique aux lois et mesures gouvernementales, que ce soit au niveau fédéral, provincial ou municipal.

Le gouvernement provincial est aussi tenu de faire respecter la Charte, alors pourquoi le laisse-t-on éluder sa responsabilité établie dans l’article 7 de garantir le « droit [...] à la sécurité de [l]a personne » de ces femmes sans qu’il puisse « être porté atteinte à ce droit » afin qu’elles ne soient pas soumises aux éventuelles violences des hommes se trouvant dans des camps? Quelles mesures bien précises le gouvernement prendra-t-il pour faire respecter les droits de ces femmes prévus à l’article 7 de la Charte, puisque ces femmes sont délaissées par le gouvernement provincial?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour vos questions, madame la sénatrice. La question du rôle du gouvernement fédéral dans des dossiers relevant des compétences provinciales est plutôt compliquée et controversée. La position du gouvernement actuel est que les droits établis dans la Charte doivent être défendus par tous les ordres de gouvernement, quelles que soient les mesures prises par l’État ou le gouvernement. Cependant, le gouvernement du Canada n’a pas compétence pour intervenir dans des dossiers relevant des compétences provinciales, même s’il est question des droits de la Charte.

Les institutions démocratiques

La parité des sexes à la Chambre des communes

L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Cent ans après avoir obtenu le droit d’être titulaires d’une charge publique fédérale, les femmes canadiennes sont toujours considérablement sous-représentées à la Chambre des communes. Après les élections fédérales de 2019, elles occupent seulement 29 % des sièges même si elles représentent un peu plus de 50 % de la population.

En 1981, c’est avec fierté que le Canada a ratifié la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. L’article 7 de la convention engage le Canada à assurer l’égalité des femmes dans la sphère politique, c’est-à-dire la parité des sexes parmi les élus et pas seulement parmi les candidats. L’article 4 de la convention prévoit des mesures, y compris des objectifs quantitatifs et des échéanciers, pour atteindre cet objectif.

Le comité des Nations unies qui s’occupe de la convention, le CEDAW, exhorte le Canada depuis le tout début à combler cette lacune en matière de représentation afin d’atteindre l’égalité entre les sexes. On s’attend à ce que le Canada dépose son 10e rapport périodique auprès de ce comité cet automne.

Ma question est la suivante : quand le gouvernement fédéral inscrira-t-il dans la loi des objectifs quantitatifs et des échéanciers obligatoires pour atteindre la parité des sexes parmi les élus à la Chambre des communes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénatrice, je vous remercie de votre question. On peut difficilement s’empêcher d’être étonné de la différence entre l’autre endroit et le Sénat au niveau de la représentation des femmes. Évidemment, le Sénat bénéficie d’un processus de nomination, en plus de l’engagement à atteindre l’équité hommes-femmes et à représenter la diversité de la population canadienne.

À l’heure actuelle, le système électoral de la Chambre des communes, soit le système uninominal majoritaire à un tour, qui, autrement dit, est un processus démocratique ouvert, ne garantit pas et ne peut garantir quelque résultat que ce soit, ni sur le plan partisan, ni sur le plan de la diversité sociale, ni en ce qui a trait au genre. Pour autant que je sache, le gouvernement actuel ne prévoit pas modifier le système électoral pour prescrire l’élection d’un nombre égal de femmes et d’hommes.

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Les travaux du comité

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au président du Comité sénatorial permanent de l’éthique et des conflits d’intérêts des sénateurs.

Sénateur Sinclair, le premier rapport du comité invite la sénatrice Beyak à se conformer rapidement aux conditions de sa suspension. J’aurai peut-être une question complémentaire, mais ma préoccupation, c’est...

Son Honneur le Président : Sénatrice Wallin, je regrette de vous interrompre, mais vous devez faire attention. Vous ne pouvez pas poser de question au sujet du contenu du rapport; seulement au sujet des activités du comité.

La sénatrice Wallin : J’essaie d’en venir aux activités du comité et je rappelle que dans la motion qu’il a présentée hier, le sénateur Black demande que le comité réexamine la question.

Je souhaite que les échéanciers et les exigences liés au processus — c’est précisément ce que je demande au comité de reconsidérer — soient équitables, réalistes et clairs. Par exemple, dans la recommandation, il est dit que dans un délai de 30 jours après que le Sénat ait voté, le Comité sénatorial de l’éthique doit élaborer et mettre en œuvre un programme de sensibilisation en collaboration avec des experts indépendants. Cependant, il n’y a ni modèle ni critères préétablis pour en mesurer le succès.

Je ne sais pas si la sénatrice Beyak ou le conseiller sénatorial en éthique pourront remplir cette exigence dans un si court délai, sans clarté...

Son Honneur le Président : Je suis désolé de vous interrompre sénatrice Wallin, mais vous parlez du rapport. Or, en vertu de l’article 4-8 du Règlement, ce n’est pas permis.

La sénatrice Wallin : Nous sommes portés à croire qu’il y a un problème plus fondamental, dans la mesure où cette tâche ne relève peut-être pas du mandat du conseiller sénatorial en éthique. Si tel est le cas, serait-il possible que le Comité sénatorial de l’éthique se réunisse de nouveau et établisse des lignes directrices plus précises et un nouvel échéancier pour donner suite aux recommandations du comité?

L’honorable Murray Sinclair : Avec tout le respect que je vous dois, je refuse de répondre à la question car je comprends que vous me demandez mon opinion sur la motion du sénateur Black qui suggère de reconsidérer l’affaire.

La sénatrice Wallin : J’ai une question complémentaire. Sénateur Sinclair, croyez-vous que toutes demandes faites au conseiller sénatorial en éthique relèvent de ses compétences?

Le sénateur Sinclair : Ma position est la même à l’égard de cette question aussi.

Les ressources naturelles

Le cadre réglementaire

L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

(1440)

Sénateur Gold, dans votre réponse au sénateur Plett hier, vous avez cité de manière arbitraire un passage de la lettre envoyée par Don Lindsay, le PDG de la société Teck Resources Limited, au ministre fédéral de l’Environnement. Vous avez lu l’extrait suivant :

[...] les marchés de capitaux mondiaux évoluent, et les investisseurs et les consommateurs cherchent de plus en plus des États offrant un cadre qui concilie exploitation des ressources naturelles et lutte contre les changements climatiques afin de produire les produits les plus propres possible.

Une lecture plus approfondie met en évidence la préoccupation de M. Lindsay par rapport au manque de clarté de la réglementation relative aux projets énergétiques au Canada. La phrase suivante de ce passage de la lettre se lit comme suit :

Cela n’existe pas encore ici [...]

Autrement dit, le Canada n’a aucune stratégie à l’heure actuelle. La lettre se poursuit ainsi :

[...] et malheureusement, l’intensification du débat autour de cette question a placé Frontier et notre entreprise au cœur d’enjeux beaucoup plus vastes qui doivent être résolus.

M. Lindsay a ajouté :

Le Canada ne réalisera pas son plein potentiel tant que les gouvernements n’arriveront pas à s’entendre pour intégrer des considérations d’ordre climatiques aux futurs projets de développement responsable du secteur énergétique. En l’absence de clarté autour de cette question essentielle, la situation à laquelle Frontier a été confrontée attend également des projets futurs. Il nous sera très difficile d’attirer des investissements potentiels, que ce soit ici ou à l’étranger.

Comme le sénateur l’a mentionné, un grand nombre de projets ont été annulés au cours des quatre dernières années. Il s’agit de projets qui, ensemble, représentaient 100 milliards de dollars.

Sénateur Gold, que répondez-vous à ceux qui disent que le gouvernement n’a pas de stratégie pour concilier les investissements commerciaux et la lutte aux changements climatiques? Quel message cela envoie-t-il aux investisseurs quand au cadre réglementaire en vigueur au Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur. La position du gouvernement, c’est qu’il dispose bel et bien d’un régime grâce auquel — du moins dans ses champs de compétence — il peut assurer l’exploitation des ressources de façon durable en vue d’atteindre ses objectifs en matière de lutte contre les changements climatiques.

Outre le cadre législatif adopté au cours de la dernière législature, le gouvernement collabore avec les territoires, les premiers ministres, les intervenants et les détenteurs de droits afin de trouver les bonnes façons d’assurer l’exploitation des ressources de manière durable, dans le respect des intérêts et des droits de toutes les personnes touchées par ces projets.

Cependant, on sait pertinemment que des projets d’exploitation des ressources comme celui de la société Teck doivent répondre à une multitude de critères, dont les moindres ne sont pas le prix du pétrole et les attentes des investisseurs. Dans la lettre que vous mentionnez aujourd’hui et dont j’ai parlé hier, ainsi que dans la couverture médiatique consacrée à ce projet — à laquelle les sénateurs ont sûrement prêté attention —, ces enjeux sont présentés comme des éléments déterminants dans la décision prise par la société Teck.

Le sénateur Smith : Si vous me le permettez, sénateur, j’aimerais simplement soulever deux points. Les projets de loi C-69 et C-48 sont censés mettre en place un cadre réglementaire. À l’heure actuelle, le projet de loi C-69 contient des dispositions douteuses en raison de sa complexité.

Regardons toutefois les choses en face. Avec le projet de loi C-48, si vous êtes incapable de faire transporter votre pétrole par bateau jusqu’en Asie, il ne se rendra pas là-bas. Soyons francs au sujet des efforts déployés pour établir un plan logique qui trouve un juste équilibre entre les questions liées à l’économie et aux changements climatiques, et nous pouvons aller de l’avant. Comme l’a dit le président dans sa lettre, ce plan n’existe pas. En passant, vous n’avez pas mentionné qu’il l’avait dit dans sa lettre; votre discussion d’hier avec le sénateur Plett en aurait été plus claire.

Il est très important que nous examinions tout cela en profondeur et que le gouvernement et vous jouiez cartes sur table. Je n’essaie pas de faire preuve de partisanerie. J’essaie de me comporter comme un homme d’affaires rationnel parce que c’est le type de questions que nous posions dans le cadre de projets. Quelle sera la conclusion? Y a-t-il un plan? Pouvez-vous m’aider?

Le sénateur Gold : Merci. Je pensais avoir été clair hier.

Des voix : Non.

Des voix : Oui, vous l’avez été.

Le sénateur Gold : Je pensais avoir été clair hier en décrivant le régime dans lequel s’insèrent ces décisions au Canada, mais je tiens également à souligner quelques-unes des autres considérations qui entrent en ligne de compte dans une décision d’affaires telle que celle que Teck a dû prendre.

Plus tôt cette semaine, un analyste de Scotia Capitaux a écrit dans le National Post qu’en raison de la baisse des attentes du marché à l’égard du cours futur du pétrole, il est très peu probable que la mine Frontier soit construite; selon son modèle financier, ce projet n’a aucune valeur.

Étant moi-même un ancien homme d’affaires et investisseur, si j’envisage d’investir à long terme de grosses sommes d’argent et qu’un analyste à qui je fais confiance dit que la probabilité de faire de l’argent est nulle, j’ai le devoir envers mes investisseurs de chercher ailleurs. C’est ce que Teck a fait en tant que société qui assume ses responsabilités envers ses actionnaires.

La divulgation de renseignements

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, c’est bien le problème : lorsque des dirigeants d’entreprise commencent à dire que les chances de réussite économique dans notre pays sont nulles, nous devrions nous regarder dans le miroir et nous demander ce que nous devons faire.

Ma question au leader du gouvernement porte sur une chose qui est arrivée la semaine dernière. Le ministre des Ressources naturelles a pris la parole à l’autre endroit pour expliquer les fausses informations données dans une réponse écrite à une question inscrite au Feuilleton. Son ministère avait initialement déclaré qu’il n’avait pas accordé le moindre contrat à l’Institut Pembina, un groupe environnemental qui milite contre l’exploitation des sables bitumineux et qui, entre autres, s’est opposé au projet de mine Frontier de Teck, qui vient d’être annulé. Dans les faits, sept contrats représentant au total près de 183 000 $ avaient été octroyés par Ressources naturelles Canada à ce groupe. Ces contrats ont été octroyés sur une période de plusieurs années, allant de février 2017 à octobre 2019. Après on se demande, sénateur Gold, pourquoi les dirigeants d’entreprise font difficilement confiance au gouvernement.

Sénateur Gold, pourquoi le ministère des Ressources naturelles a-t-il dissimulé cette information au Parlement et pourquoi, lorsqu’on l’a accusé de dissimuler cette information, le ministère et le ministre se sont-ils entêtés à nier les faits à induire en erreur l’autre endroit?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de poser cette question. Je crains de ne pas avoir l’information pour pouvoir répondre à votre question quant à ce qui a motivé les actions que vous alléguez. Je vais certainement me renseigner et dire ce qu’il en est au Sénat.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, c’est précisément pourquoi de sages représentants du gouvernement devraient être réunis à la table du Cabinet pour veiller à ce que de sages décisions soient prises.

Chers collègues, nous savons qu’il y a un manque de transparence. Le gouvernement actuel a tendance à ne pas faire preuve de transparence à l’égard du Parlement. Comme je l’ai indiqué plus tôt ce mois-ci, le gouvernement cache les détails de la radiation d’un prêt de près de 200 millions de dollars, puisé à même l’argent des contribuables, qui avait été consenti à une entreprise. Comme la sénatrice Frum l’a signalé récemment, le ministre Marc Miller n’a pas communiqué la liste des dons et des donateurs concernant un événement qu’il a tenu à New York l’an dernier.

Sénateur Gold, où sont l’ouverture et la transparence que le gouvernement actuel a promises aux Canadiens en 2015? Pourquoi est-ce que le gouvernement dit sans cesse qu’il va faire une chose alors qu’il finit toujours par en faire une autre à la place?

Le sénateur Gold : Merci de votre question, sénateur Housakos. Encore une fois, j’aurais respectueusement tendance à dire que la prémisse de votre question est fausse.

Le gouvernement s’efforce constamment d’accroître la transparence et la reddition de comptes de l’État. Au cours de la législature précédente, nous avons participé, que dis-je, nous avons joué un rôle important, dans l’amélioration de la loi sur l’accès à l’information, ce qui a permis d’accroître grandement la transparence et la reddition de comptes à l’endroit des Canadiens.

En ce qui concerne votre allusion à la question de la sénatrice Frum, on m’a indiqué qu’on avait scrupuleusement respecté tous les aspects de la loi et que toute insinuation, toute allusion ou tout soupçon à l’effet contraire concernant le ministre Miller est absolument et totalement sans fondement.

[Français]

La justice

Le soutien aux femmes victimes de violence

Son Honneur le Président : Sénatrice Dupuis, vous avez deux minutes pour poser votre question et obtenir une réponse.

L’honorable Renée Dupuis : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, la violence envers les femmes dans toutes sortes de contextes, que ce soit conjugal, familial ou en milieu de travail, et sous différentes formes, que ce soit du harcèlement ou des agressions, est un fléau social qui porte atteinte aux droits des femmes à l’égalité, à la sécurité, à la vie et à la dignité. Nous avons entendu, notamment au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, de nombreux groupes représentant des femmes faire état de la perte de confiance des victimes de violence envers le système de justice.

(1450)

Or, la Charte canadienne des droits et libertés que nous avons adoptée en 1982, donc, la nouvelle Charte constitutionnelle, prévoit l’adoption de :

[...] lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d’individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait [...] de leur sexe [...]

Cet article vise justement à enlever ce fardeau, qui repose personnellement sur les victimes, afin de changer le système lui-même et d’adopter des mesures qui soutiennent les victimes de violence.

Quelles autres initiatives le gouvernement fédéral a-t-il prises pour soutenir les femmes victimes de violence conjugale et autres depuis l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice Dupuis de sa question. On m’a dit que, lors de la séance d’information de la semaine dernière sur le projet de loi C-5, le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, monsieur Arif Virani, s’est engagé à partager de l’information sur l’évolution des initiatives fédérales en matière de loi sur les agressions sexuelles au cours de la dernière décennie pour tenir compte des mesures récentes et du contexte dans lequel s’inscrit le projet de loi. Cette information, une fois que nous l’aurons reçue, sera partagée avec les sénateurs et les sénatrices.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Recours au Règlement

Report de la décision de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je suis maintenant disposé à entendre de nouveaux arguments en rapport avec le rappel au Règlement soulevé par le sénateur Sinclair le 6 février au sujet de la motion no 18 proposée par le sénateur Boisvenu sur l’application de la convention relative aux affaires en instance.

J’insiste toutefois sur un point, honorables sénateurs : je n’accepterai d’entendre que des faits nouveaux.

[Français]

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Monsieur le Président, honorables sénateurs, permettez-moi de remercier Son Honneur le Président de me donner l’occasion de m’expliquer pour clarifier la motion que j’ai présentée devant cette Chambre le 6 février 2020.

Avec respect pour l’honorable sénateur Sinclair, j’approfondirai les arguments que j’ai déjà présentés et cela, je l’espère, éclaircira les raisons pour lesquelles je réclame cette étude de la part du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Ma motion demande que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à étudier les règles et les mécanismes décisionnels du système correctionnel et des libérations conditionnelles au Canada afin d’en connaître les lacunes et de proposer des correctifs.

Je précise donc de nouveau dans cette Chambre que ma motion n’a pas pour but d’enquêter sur une affaire judiciaire en cours, mais plutôt d’évaluer la formation que reçoivent les commissaires et les agents correctionnels ainsi que les programmes qu’ils administrent afin, je l’espère, de proposer des recommandations qui outilleront mieux notre système correctionnel dans le but d’éviter des drames à l’avenir.

Pour motiver ma demande, je m’appuie sur le rapport 6 de 2018 du vérificateur général sur la surveillance dans la collectivité et sur le fait que le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles relèvent du gouvernement fédéral.

J’aimerais citer un extrait du rapport qui porte sur la constatation sur la surveillance des délinquants :

Nous avons constaté que les agents de libération conditionnelle de Service correctionnel Canada n’avaient pas toujours rencontré les délinquants aussi souvent que nécessaire pour contrer le risque que ceux-ci posaient pour la société.

Ce point est essentiel, car les constatations que le vérificateur général a identifiées ci-dessus sont similaires aux causes entourant le meurtre de Marylène Levesque. Il est donc urgent de regarder de plus près ce qui se passe en ce qui a trait aux programmes et à la surveillance des délinquants lorsqu’ils réintègrent la collectivité. Je ne cherche aucunement à condamner les personnes ou les dirigeants de ces deux organismes, car je sais que le travail des commissaires est un métier difficile qui requiert beaucoup de jugement et beaucoup d’expérience.

Toutefois, en même temps, je souhaite que nous nous penchions sur cette question afin de donner de meilleurs outils aux commissaires pour qu’ils puissent mener leur mission à bien, qui est de protéger la population en général.

Je suis d’ailleurs attentif au communiqué émis, le 10 février 2020, par le Syndicat des employé-e-s de la sécurité et de la justice . Le communiqué du syndicat sur l’affaire Gallese dit ceci :

Au cours des dernières années, on a mis de plus en plus l’accent sur la transition rapide des délinquants et délinquantes des prisons fédérales vers la collectivité. Cela n’est approprié que si la communauté dispose de ressources suffisantes pour soutenir la réintégration en toute sécurité des délinquants. Ce qui n’est souvent pas le cas. De plus, la charge de travail des agents et agentes de libération conditionnelle est déjà très élevée dans les prisons fédérales et dans la collectivité, ce qui limite leur capacité d’interagir directement avec les délinquants et délinquantes et comprendre leur état d’esprit et le risque que certains d’entre eux peuvent présenter.

Honorables sénateurs, le syndicat a raison de s’inquiéter de la sécurité de la population. L’évaluation du risque doit être la pierre angulaire de la formation des agents et des commissaires. En 2015, la moyenne de dossiers qu’un commissaire devait étudier chaque jour était de trois.

En 2018, ils doivent étudier huit dossiers par jour. À cette lourde charge de travail s’ajoutent un nombre record de criminels remis en liberté depuis quelques années, une dilution inquiétante de la compétence des commissaires qui doivent accorder ces remises en liberté et une réduction des ressources pour en assurer le suivi dans la collectivité. Cette situation est explosive et risque de faire d’autres victimes. Voilà, honorables sénateurs, ce qui devrait inquiéter cette Chambre.

Ces éléments soulignés par le syndicat confirment les conclusions du rapport 6 du vérificateur général. Voici un autre point essentiel qui justifie la nécessité de mener l’étude que je réclame au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Je ne cherche en aucune manière à entraver ou à perturber le processus judiciaire dans l’affaire Gallese. Je le rappelle, je ne demande pas que l’on mène une étude sur les circonstances de la mort de Marylène Levesque ou sur le volet criminel de l’affaire Gallese. Je laisse le système judiciaire faire son travail, car je suis soucieux du principe de séparation des pouvoirs.

Il y a un an autre point important que j’aimerais souligner. L’autre endroit a adopté à l’unanimité la motion du député Pierre Paul-Hus le 5 février 2020. Cette motion demande notamment que la Chambre des communes, et je cite :

b) donne instruction au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de tenir des audiences sur cette affaire [...]

Cette motion a été adoptée à l’unanimité par l’autre endroit et par le premier ministre et le ministre de la Justice lui-même.

Selon moi, l’autre endroit a jugé que la liberté de parole était nécessaire dans cette affaire et qu’elle ne contrevenait pas aux droits de la personne qui subit un procès. Honorables sénateurs, je reconnais que la rédaction d’une motion, si précise soit-elle, peut être sujette à amélioration.

Si c’est la raison de l’interrogation du sénateur Sinclair, je suis tout à fait ouvert à l’idée de trouver avec ce dernier quelles corrections nous pourrions y apporter.

Honorables sénateurs, j’espère que mes arguments ont convaincu cette Chambre de tenir un débat et un vote sur cette motion, pour le principe de liberté de parole dans cette Chambre et pour la sécurité des femmes vulnérables au Canada. Merci.

[Traduction]

L’honorable Murray Sinclair : Honorables sénateurs, puisque c’est une question que j’avais soulevée, que je n’avais pas donné beaucoup de détails à ce moment-là et que le sénateur Boisvenu avait alors répondu en donnant moins de détails aussi, je me suis permis de préparer des observations relativement au fardeau qui me revient. Je reconnais qu’il m’incombe de justifier le recours au Règlement et, à vrai dire, d’empêcher la motion d’aller plus loin.

(1500)

D’entrée de jeu, je précise que, en relisant la motion, j’ai compris que le sénateur Boisvenu propose que le comité concerné mène une étude reliée à la mort tragique d’une jeune femme à Québec, plus précisément sur le rôle qu’ont joué le système correctionnel et la Commission des libérations conditionnelles du Canada dans la libération de l’individu accusé de ce meurtre.

J’invoque le Règlement en ce qui concerne l’application à ce drame de la convention relative aux affaires en instance puisqu’une accusation de meurtre au premier degré a été portée contre l’individu en question visé par la décision de la Commission des libérations conditionnelles.

Mon rappel au Règlement vise à établir si la motion du sénateur Boisvenu est recevable ou non étant donné que les tribunaux sont actuellement saisis de l’affaire, ce qui signifie que la convention relative aux affaires en instance devrait s’appliquer pour éviter que le processus parlementaire envisagé ne compromette les poursuites judiciaires.

Comme nous avons aujourd’hui la possibilité de présenter des arguments plus complets dans ce dossier, je tiens à ajouter quelques points qui selon moi pourraient être utiles.

À la page 76 du Document d’accompagnement du Règlement du Sénat du Canada, on peut lire la citation ci-après tirée du hansard du Sénat du 5 mai 2009 :

L’usage au Parlement veut que l’on évite de discuter de questions ou d’affaires faisant l’objet de poursuites en justice ou d’enquêtes quasi judiciaires. C’est ce qu’on appelle la convention relative aux affaires en instance sub judice.

Bien que cette convention ne soit pas codifiée, la documentation en matière de procédure indique que, même si ce n’est pas obligatoire, les parlementaires devraient éviter de faire des allusions aux délibérations, témoignages ou constatations d’une commission avant que celle-ci ne dépose son rapport.

Comme le font remarquer O’Brien et Bosc dans La procédure et les usages de la Chambre des communes :

Il est couramment admis que l’on devrait, dans l’intérêt de la justice et du « fair play », imposer certaines limites à la liberté qu’ont les députés de se référer, dans le cours des délibérations, à des affaires en instance devant les tribunaux. On s’entend également pour dire que ces affaires ne devraient faire l’objet ni de motions ni de questions à la Chambre. L’interprétation de cette convention, par ailleurs vaguement définie, est laissée au jugement du Président. Le terme « convention » est employé à dessein, car il n’existe aucune règle pour interdire aux parlementaires d’aborder une affaire en instance devant les tribunaux. La Chambre tient à s’imposer de telles limites pour empêcher que le fait de débattre publiquement de l’affaire ne cause préjudice à l’accusé ou à une partie au procès ou à l’enquête judiciaire. Bien qu’il existe une certaine jurisprudence pouvant servir de guide à la présidence, on n’a jamais pris soin de codifier cette pratique à la Chambre des communes.

Ils ajoutent :

[...] L’interprétation de cette convention [...] est laissée au jugement du Président [...] car il n’existe aucune règle pour interdire aux parlementaires d’aborder une affaire en instance devant les tribunaux.

Il y a des cas où l’application de la convention est assez simple. La convention a été régulièrement appliquée à des motions, à des allusions, à des débats, à des questions et à des questions complémentaires, ainsi que dans toutes les situations où on mentionne une affaire criminelle.

O’Brien et Bosc offrent aussi d’autres conseils sur le rôle du Président à cet égard :

Étant donné que la convention relative aux affaires en instance n’est pas codifiée et est d’application volontaire, la compétence du Président [...] est un peu difficile à définir. Le pouvoir discrétionnaire du Président à l’égard des affaires en instance découle de son rôle de gardien de la liberté d’expression à la Chambre. La présidence a le devoir de mettre en équilibre les droits de la Chambre et les droits et intérêts du citoyen ordinaire qui subit un procès. En fait, le Président intervient uniquement dans des cas exceptionnels où il semble probable qu’en agissant autrement, il léserait des intérêts particuliers.

Au chapitre 20 de l’ouvrage d’O’Brien et Bosc, on fait remarquer que cette règle s’applique aux comités ainsi qu’à la Chambre.

Aux fins de la discussion d’aujourd’hui, cet ouvrage indique aussi que :

[...] tout député qui demande au Président d’empêcher une discussion pour motif de sub judice se verrait obligé de démontrer, à la satisfaction de la présidence, l’existence d’une raison valable de croire qu’un préjudice pourrait résulter de cette discussion.

Cela étant dit, je tiens à souligner que le sénateur Boisvenu souhaite soulever une question de sécurité publique importante qui préoccupe, à juste titre, les Canadiens et qui concerne le processus de prise de décisions du système correctionnel et de la Commission des libérations conditionnelles. Toutefois, je ne vois pas comment une telle étude ou des délibérations pourraient être menées sans que le comité entende des témoignages quant aux actions de la Commission des libérations conditionnelles, à ce qui pourrait justifier toute critique ou suggestion concernant la formation et au genre de formation qu’il faudrait offrir aux employés de la commission, sans que l’on sache exactement ce que l’accusé a fait.

Je fais aussi valoir à la Chambre que si le Sénat est la tribune appropriée pour ce genre d’étude, je me demande pourquoi la question devrait être examinée de manière générale et sans que l’on fasse référence à l’affaire qui est devant les tribunaux. Par conséquent, Votre Honneur conclura peut-être que cet aspect de la motion du sénateur Boisvenu est bel et bien irrecevable.

Plus précisément, je crois que la convention relative aux affaires en instance s’appliquerait ici parce qu’un préjudice pourrait résulter de la discussion de tous les faits de l’affaire, qu’ils se rapportent directement ou indirectement à la libération de l’individu, à sa conduite lors de sa libération conditionnelle et, en particulier, à ses contacts avec la victime ou tout autre femme avec laquelle il est entré en contant durant sa libération conditionnelle.

On pourrait examiner des éléments de preuve relatifs à l’affaire sans faire appliquer les règles juridiques en matière de preuve et d’autres aspects du processus établi.

Le Canada, bien sûr, est bâti sur le principe que toute personne accusée d’une infraction est réputée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été prouvée hors de tout doute raisonnable. À ce stade, il serait difficile de mener une étude sur les décisions prises par la Commission des libérations conditionnelles et sur les agissements de l’accusé durant sa libération conditionnelle, sans porter atteinte au droit de ce dernier à la présomption d’innocence. Merci, Votre Honneur.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : J’aimerais participer brièvement à la discussion sur le rappel au Règlement du sénateur Sinclair. Je m’excuse d’avance, Votre Honneur, si je répète quelque chose qui a déjà été dit. Je n’étais pas au Sénat la dernière fois qu’on a discuté de cette question, puisque je devais m’acquitter de certaines de mes responsabilités en tant que leader de mon caucus.

J’ai étudié la question dans une certaine mesure et j’aimerais simplement faire quelques observations, Votre Honneur.

La motion du sénateur Boisvenu ne contient pas le nom de la victime, le nom de l’accusé ni même le moindre détail particulier sur une affaire criminelle actuellement devant les tribunaux.

Le sénateur Boisvenu a seulement fait allusion à une affaire récente et hautement médiatisée dans son discours — et non dans sa motion — pour illustrer l’urgence de se pencher sur un problème actuel. La motion ne vise nullement à discuter des détails du meurtre qui aurait été commis, mais plutôt à examiner les mesures prises par la Commission des libérations conditionnelles, une question à laquelle le sénateur Boisvenu s’intéresse depuis longtemps. Il me semble évident qu’il est parfaitement acceptable d’inviter un comité à se pencher sur un système et sur son mode de gestion et à fournir des recommandations pour prévenir la violence misogyne et les tragédies évitables.

Selon La procédure du Sénat en pratique, la convention relative aux affaires en instance vise :

[...] à assurer un équilibre raisonnable entre le droit à un procès équitable et le droit des parlementaires à la liberté de parole. Cette convention a été appliquée de manière assez uniforme dans les affaires pénales, avant qu’un jugement ne soit rendu et lors des appels.

Aucune accusation au criminel n’a été portée contre un agent de libération conditionnelle, un commissaire ou un chargé de cas associé à cette affaire. Les détails de l’affaire criminelle qui a suivi ne sont pas pertinents pour la discussion que le sénateur Boisvenu cherche à lancer.

Pour ce qui est de savoir comment et pourquoi des délinquants violents obtiennent une libération conditionnelle de jour et de quelle façon sont établies les conditions applicables, selon la motion présentée, l’examen porterait expressément sur le système correctionnel, la Commission des libérations conditionnelles du Canada et les mesures qui peuvent être prises pour améliorer le système.

Examiner en profondeur les problèmes systémiques qui pourraient exister au sein de la Commission des libérations conditionnelles du Canada et envisager un perfectionnement de la formation des commissaires ne compromettra aucunement le droit de l’accusé à un procès équitable. Donc, je ne crois pas qu’un rappel au Règlement sur l’application de la convention relative aux affaires en instance soit fondé.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Il me semble qu’on demande, dans le texte de la motion qui est devant nous, que l’enquête porte sur —

(1510)

[Traduction]

[How] the Parole Board of Canada managed the case of an inmate accused of the murder of a young woman [...] to ensure another tragedy such as this never happens again

[Français]

En d’autres mots, cette motion comporte deux parties, dont l’une porte précisément sur la « façon » — et, en français, elle est rédigée comme suit :

[...] dont le système correctionnel et la Commission des libérations conditionnelles ont géré le détenu accusé de la mort d’une jeune femme alors qu’il était en semi-liberté en janvier de cette année [...]

On parle d’un cas très précis. Toutefois, je tiens à souligner le fait que, dans la version française, on dit de façon erronée que l’on veut « examiner la manière dont le système correctionnel et la Commission des libérations conditionnelles ont géré le détenu [...] ». Cela me semble non seulement une faute de français, mais cela m’apparaît inexact, dans le sens où l’on ne gère pas un individu, on gère plutôt le dossier d’un individu. Or, on ne peut voir un individu comme un objet au point de dire qu’on le gère, lui.

Je crois que vous avez toute la discrétion voulue pour prendre votre décision sur ce rappel au règlement. En fait, deux éléments dans cette motion doivent être distingués : la partie de la motion qui traite d’un détenu identifiable, en faisant précisément référence aux éléments, et l’autre partie, qui est plus générale et qui porte sur les programmes de formation et sur les mesures de réhabilitation à mettre en place. Merci.

L’honorable Claude Carignan : Évidemment, je partage la même opinion que le sénateur Boisvenu et le sénateur Plett. Cependant, puisque vous traitez de nouveaux faits, je vous dis simplement que les médias rapportaient aujourd’hui que la personne en question, Eustachio Gallese, compte plaider coupable demain à une accusation de meurtre au premier degré, au moment où vous rendrez probablement votre décision sur la question.

Je vous invite à prendre connaissance des événements nouveaux qui vont se produire demain. Ces événements, évidemment, pourraient mettre fin au débat et le rendre complètement théorique.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Je remercie les honorables sénateurs de leur contribution à la discussion sur ce sujet complexe et important. Je prendrai la question en délibéré.

Le Sénat

Motion tendant à autoriser les ministres de la Couronne qui ne sont pas membres du Sénat à participer à la période des questions—Motion d’amendement—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Gagné, appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p.,

Que, nonobstant la pratique habituelle, le Sénat invite tout ministre de la Couronne qui n’est pas membre du Sénat à entrer dans la salle du Sénat pendant toute période des questions future et à participer aux travaux en répondant aux questions portant sur ses responsabilités ministérielles, dans le respect du Règlement et des pratiques du Sénat.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénateur Mockler,

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1.par substitution des mots « le Sénat invite tout ministre de la Couronne qui n’est pas membre du Sénat à entrer dans la salle du Sénat pendant toute période des questions » par ce qui suit :

« pour le reste de la présente session, le Sénat autorise le leader de l’opposition au Sénat à faire une courte déclaration au cours de toute période des questions pour désigner un ou des ministres de la Couronne qui ne sont pas membres du Sénat à participer à la période des questions;

Que ces ministres soient ainsi réputés avoir été invités à entrer dans la salle du Sénat pendant la période des questions d’une séance »;

2.par substitution du mot « ses » par le mot « leurs »;

3.par adjonction, immédiatement avant le point final, de ce qui suit :

« ;

Que le leader ou le leader adjoint du gouvernement au Sénat avise le Sénat de la date à laquelle un ministre identifié par le leader de l’opposition sera présent en faisant une courte déclaration au cours de la période des questions, et ce au plus tard le quatrième jour durant lequel le Sénat siège avant cette date ».

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de l’amendement proposé par le sénateur Housakos à la motion du gouvernement no 7, qui porte sur la participation des ministres à la période des questions. En bref, l’amendement propose de donner au leader de l’opposition le pouvoir de désigner les ministres de son choix, ce qui, dans les faits, empêche près des trois quarts des sénateurs de participer pleinement au processus.

Inviter les ministres à participer à la période des questions au Sénat est une innovation importante apportée au cours de la législature précédente qui crée une tribune utile où les ministres peuvent discuter des dossiers prioritaires aux yeux des sénateurs. À la dernière législature, la motion proposée par la sénatrice Gagné avait été présentée par notre collègue le sénateur Carignan, qui était alors leader de l’opposition.

Le 9 décembre 2015, le sénateur Carignan a parlé de l’utilité d’inviter des ministres à la période des questions en ces termes :

On s’attend à ce que les sénateurs soient informés sur les questions de l’heure et tout ce qui concerne les affaires publiques canadiennes. Pour répondre à ces attentes, un dialogue entre le gouvernement et les sénateurs est nécessaire. Ce dialogue devrait avoir lieu régulièrement entre les sénateurs et les ministres pendant la période des questions au Sénat. Les sénateurs conviendront que la présence de ministres pendant la période des questions permettra au gouvernement de donner aux sénateurs des renseignements à jour pour qu’ils puissent mener des débats utiles.

Une responsabilité fondamentale du représentant du gouvernement au Sénat est de s’assurer que les membres du Cabinet à qui l’on souhaite parler peuvent venir au Sénat afin de répondre aux questions concernant leur portefeuille ministériel.

Lors de la dernière législature, en étroite collaboration avec d’autres leaders, le sénateur Harder a adopté une approche collaborative et consensuelle pour choisir les ministres qui allaient venir à la période des questions. À cet égard, j’espère pouvoir m’exprimer au nom des leaders du Sénat en remerciant le sénateur Harder de son bon travail de collaboration et sa capacité à tenir ses promesses.

Ce ne sont peut-être pas tous les sénateurs qui connaissent le processus. Le bureau du représentant du gouvernement demande l’avis des leaders des partis et des groupes concernant les ministres qu’ils souhaitent le plus inviter au Sénat. En général, les mêmes noms reviennent, mais lorsqu’il est arrivé que les groupes fournissent tous des noms différents — ce qui est rare —, le bureau du représentant du gouvernement a toujours été en mesure de tenir compte des différents points de vue de manière juste et équilibrée.

Certains se demanderont si mon prédécesseur a constamment mis à la disposition du Sénat les ministres choisis par le chef de l’opposition. La réponse est oui. Lorsque le gouvernement était saisi d’enjeux précis, est-ce que mon prédécesseur a invité les ministres concernés au Sénat? Encore une fois, la réponse est oui. Par exemple, le 14 mai 2019, le ministre des Finances, l’honorable Bill Morneau, a comparu au Sénat après avoir présenté le budget de 2019. Il a répondu à une variété de questions d’ordre économique, notamment sur l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et l’oléoduc Trans Mountain. Le 7 mars 2017, la ministre des Affaires étrangères, l’honorable Chrystia Freeland, a comparu au Sénat pour répondre à des questions importantes sur la politique étrangère, comme sur le traitement des musulmans rohingyas, le Conseil de sécurité de l’ONU et les droits des femmes. Le 17 octobre 2017, le ministre des Ressources naturelles, l’honorable Jim Carr, a répondu à des questions sur les politiques énergétiques nationales, y compris l’oléoduc Énergie Est.

Honorables sénateurs, voilà quelques exemples de ministres qui ont comparu lors de la législature précédente. D’ailleurs, le choix des ministres qui comparaîtront à la période des questions n’a jamais été controversé. Voici ce qui est dommage : le Canada est saisi d’enjeux importants, notamment les répercussions des barrages ferroviaires et la propagation du coronavirus. Or, on n’arrête pas de retarder cette motion, ce qui empêche tous les sénateurs de poser des questions importantes au gouvernement.

Les sénateurs souhaiteraient peut-être poser des questions au ministre des Transports et au ministre de la Sécurité publique au sujet des barricades. Hélas, ils ne peuvent pas le faire. Les sénateurs souhaiteraient peut-être poser des questions à la ministre de la Santé concernant le coronavirus. Hélas, ils ne peuvent pas le faire. Les sénateurs souhaiteraient peut-être poser des questions à la ministre des Relations Couronne-Autochtones concernant les mesures prévues en matière de réconciliation. Hélas, ils ne peuvent pas le faire.

Les sénateurs souhaiteraient peut-être inviter le premier ministre, Justin Trudeau, pour qu’il réponde à des questions relativement à des dossiers tels que ceux que j’ai mentionnés. Hélas, ils ne peuvent pas le faire parce que la motion tarde à être adoptée.

Depuis la reprise des travaux, après la relâche de Noël, le Bureau du représentant du gouvernement sonde constamment tous les groupes pour savoir qui ils aimeraient voir comparaître à la période des questions. La question est soulevée aux réunions de préparation du plumitif ainsi que dans les rencontres avec les leaders. Jusqu’à maintenant, mon bureau a reçu des suggestions de ministres à inviter de la part du Groupe des sénateurs indépendants, du Groupe des sénateurs canadiens et des progressistes. Je n’ai encore rien reçu de mes estimés collègues de l’opposition officielle.

Dans l’esprit de la collaboration et afin de mieux respecter les pratiques exemplaires, j’aimerais présenter un sous-amendement.

Motion de sous-amendement

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion d’amendement ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1. par remplacement des mots « de l’opposition au Sénat à faire une courte déclaration au cours de toute période des questions » par les mots « du gouvernement au Sénat, après consultation avec les leaders et facilitateurs des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus, à faire une courte déclaration au début de l’ordre du jour de toute séance »;

2. par remplacement des mots « par le leader de l’opposition sera présent en faisant une courte déclaration au cours de la période des questions » par les mots « conformément au présent ordre sera présent en faisant une courte déclaration au début de l’ordre du jour ».

En terminant, honorables sénateurs, je vous laisse en citant les paroles de l’ancien leader de l’opposition, le sénateur Carignan, prononcées le 9 décembre 2015...

[Français]

L’honorable Claude Carignan : J’aimerais soulever un rappel au Règlement.

Lorsqu’on propose une motion d’amendement ou de sous-amendement, on perd notre droit de parole pour la suite, lorsque le sous-amendement est proposé. J’ai entendu le leader du gouvernement au Sénat proposer un sous-amendement, ce qui met fin, à ce moment-là, à son temps de parole. Il ne peut plus continuer d’argumenter après avoir proposé son sous-amendement.

(1520)

[Traduction]

L’honorable Patricia Bovey (Son Honneur la Présidente suppléante) : En sous-amendement, l’honorable sénateur Gold, avec l’appui de l’honorable sénatrice Gagné, propose que la motion d’amendement ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée : 1. par remplacement des mots « de l’opposition au Sénat » — puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente suppléante : Nous reprenons le débat.

L’honorable Leo Housakos : Je remercie le leader du gouvernement d’avoir proposé aussi rapidement un sous-amendement à l’amendement que j’ai présenté hier. Cela me donne l’occasion de prendre la parole pour faire de nouveau part de nos préoccupations quant aux processus que le gouvernement a imposés au Sénat.

Cela en dit long que le sous-amendement dise simplement que « le gouvernement va proposer, après consultation ». Cela met en évidence les problèmes de votre processus, sénateur Gold. Y a-t-il un seul modèle de Parlement dans le monde, notamment sous un régime parlementaire britannique comme le nôtre, où le gouvernement consulte l’opposition — pas l’ensemble des élus, pas les parlementaires qui ont été nommés, mais bien l’opposition.

Ne levez pas les yeux au ciel, sénateur Gold, car, ultimement, il s’agit d’un principe important. Je peux assurer à tous ceux qui rejettent ce principe du revers de la main — parce que vous faites partie d’un groupe majoritaire et que vous avez été nommés par le gouvernement actuel — que le jour viendra, je vous l’assure, où chacun de vous voudra défendre ces principes avec autant d’ardeur que nous le faisons présentement. Ce n’est qu’une question de temps. Quand on siège au Sénat assez longtemps — ce qui est maintenant mon cas —, on finit par percevoir les mouvements de balancier dans la démocratie canadienne.

Ainsi, sénateur Gold, nous estimons totalement scandaleux que le gouvernement se serve de sa position majoritaire dans cette enceinte pour dicter quels ministres sont invités à venir au Sénat et à quel moment.

J’irai même plus loin en rappelant au public qui suit ce débat que l’idée de demander des comptes au gouvernement en convoquant des ministres dans cette enceinte ne correspond pas au processus de réforme du Sénat que M. Trudeau ou le sénateur Harder avaient imaginé. Cela avait en fait été demandé par les dirigeants du gouvernement de l’époque, après les élections de 2015, avec la participation des sénateurs Carignan et Cowan. Certes, nous avons mené des consultations et fourni une liste au gouvernement qui était le plus souvent d’accord. Depuis ce temps, nous constatons qu’au fil du temps, nos demandes sont de moins en moins entendues.

En fin de compte, nous voulons simplement pouvoir continuer à demander des comptes au gouvernement. Cependant, je ne trouve pas excessif de dire tout simplement que ce sont le chef de l’opposition et l’opposition officielle dans cette enceinte qui s’opposent au gouvernement plus souvent que les sénateurs nommés par celui-ci. C’est un fait. Si vous examinez les votes et les débats dans cette enceinte, vous constaterez — et c’est normal — que les sénateurs nommés par le gouvernement expriment plus souvent l’opinion de celui-ci.

Cela dit, ils ont effectivement la possibilité d’exprimer leur opinion. Le fait qu’ils soient nommés pour un mandat qui dure jusqu’à ce qu’ils aient 75 ans leur donne leur indépendance. Le premier ministre qui les a nommés ne peut leur retirer leur charge. Le premier ministre, à la Chambre des communes, là où il y a des députés libéraux élus, doit signer leurs documents de nomination.

Comme ce serait sans précédent que le gouvernement à la Chambre des communes dise à l’opposition « nous allons décider pour vous quels ministres vous pourrez entendre et même quelles questions vous pourrez leur poser », nous pensons que c’est tout à fait inacceptable. Nous pensons que cela empêche le Sénat de s’acquitter de son rôle.

Je pense que votre sous-amendement est une autre façon d’essayer de renforcer le fait que le gouvernement peut imposer des choses au Sénat parce qu’il dispose d’une majorité. Nous avons pu le voir au cours des derniers jours et nous allons continuer de le voir.

Si vous retirez à l’opposition le dernier outil qu’il lui reste, soit la capacité de demander des comptes au gouvernement et de faire comparaître les ministres à qui elle veut poser des questions sur des sujets importants aux yeux des voix minoritaires de notre pays, le Sénat devient alors une simple Chambre d’écho. Il ne resterait plus au gouvernement qu’à établir l’ordre du jour et nous deviendrons une opposition marginalisée au Sénat, ce qui serait un jour bien sombre pour la démocratie.

Des voix : Bravo!

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, je suis heureuse d’avoir l’occasion de participer à cette discussion. Je remercie le sénateur Housakos d’avoir présenté sa version des faits. Il s’agit d’une version que j’ai souvent entendue et qui traite fréquemment d’une multitude de questions tandis que se tient le débat sur la modernisation, la réforme et le changement du Sénat.

Je soutiens respectueusement que je suis consciente de la voie que nous suivons et du rôle que jouent tous les sénateurs, y compris ceux qui sont membres du caucus de l’opposition au Sénat, qui fait partie du caucus national de l’opposition officielle — beaucoup d’entre nous pensent que ce concept n’a pas sa place dans un Sénat moderne, mais il existe et nous le respectons. Je comprends ces commentaires et je les ai déjà entendus auparavant.

Je vais expliquer ce que fait sa motion. Elle retire à tous les autres sénateurs le droit de participer et de faire leur travail dans l’intérêt de leur région afin de demander des comptes au gouvernement sur une foule de questions qui les préoccupent peut-être ou qui concernent les habitants de leur province — dans mon cas, il s’agit d’une province, mais dans le cas d’autres sénateurs, il s’agit d’une région du Canada — et le droit de représenter ces voix.

J’ai eu l’impression que le sénateur Housakos soutenait qu’un élément de la motion proposée par le représentant du gouvernement visait à enlever quelque chose à l’opposition. Le processus en place prévoit des discussions et des négociations. D’après ce que j’ai pu lire dans le compte rendu, tout est mis en œuvre pour répondre aux demandes de tous les sénateurs, y compris ceux de l’opposition — qui, souvent, parlent d’une seule voix par l’entremise de leur leader —, quant aux ministres qu’ils souhaiteraient inviter au Sénat. Cependant, d’autres voix devraient aussi être entendues, et je pense que cela a été fait jusqu’à maintenant.

À ma connaissance, lorsqu’un ministre qu’un sénateur a proposé d’inviter à la période des questions du Sénat n’a pas pu se présenter au moment voulu, on a toujours tenté de trouver une nouvelle date afin qu’il puisse comparaître devant nous le plus rapidement possible.

Au sein du caucus conservateur, les députés ont la possibilité tous les jours de poser des questions aux ministres à l’autre endroit. Nous pouvons tous le constater aux nouvelles et dans le hansard.

Cette enceinte compte 105 sénateurs égaux qui devraient tous avoir cette possibilité. Je pense que le système collégial qui était en place et qui semblait efficace — je n’ai entendu aucune plainte précise à ce sujet ni pris connaissance de situations où il n’a pas bien fonctionné — répondait mieux aux intérêts de tous les sénateurs.

Des voix : Bravo!

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je tiens à ajouter quelques points à cette partie du débat et à rappeler une chose à mes chers collègues, dont bon nombre n’étaient pas encore ici quand ce processus a été mis en place par le sénateur Carignan alors qu’il était le leader de l’opposition au Sénat. À l’origine, si nous avons commencé à inviter des ministres lors de la période des questions au Sénat, c’est parce que, pendant les cinq premiers mois du gouvernement Trudeau, il n’y avait pas de leader du gouvernement au Sénat. Il n’y avait personne à interroger lors de la période des questions. Cet élément très important de la reddition de comptes — non seulement à la Chambre des communes, mais aussi au Sénat — n’est pas possible s’il n’y a personne à qui poser des questions. Voilà pourquoi on a mis en place ce nouveau processus.

À l’origine, pendant la première année et demie ou les deux premières années, le leader de l’opposition au Sénat remettait au gouvernement une liste contenant le nom des quelques ministres que l’opposition souhaitait interroger au cours de la période des questions, puis on prenait des dispositions pour que ces ministres se présentent au cours des semaines suivantes. Le processus fonctionnait assez bien.

Malheureusement, ce processus s’est transformé, au cours des deux dernières années de la dernière législature, en un processus où le représentant du gouvernement Trudeau disait à l’opposition quels ministres viendraient à la période des questions, mais il fallait souvent attendre six ou sept semaines. On nous annonçait tel ou tel ministre une semaine donnée, mais celui-ci se présentait seulement six ou sept semaines plus tard. Après tout ce temps, qui se souvenait encore des questions qui étaient d’actualité à ce moment-là? Résultat : la période des questions perdait tout son sens. Durant la période des questions, le gouvernement est censé rendre des comptes, sur demande et sans préavis.

(1530)

Le fait d’être avisé à l’avance permet au gouvernement de s’assurer de la disponibilité des ministres. Toutefois, le préavis raisonnable — d’une ou deux semaines, pas six — ne vise pas à donner au gouvernement la possibilité de dire à l’opposition qui va se présenter à la période des questions. C’est inacceptable. Ce n’est qu’une autre façon pour le gouvernement Trudeau d’essayer de faire taire l’opposition et de veiller à ce que nous ne puissions pas demander des comptes et représenter dignement nos régions.

Plus tôt aujourd’hui, le sénateur Gold a indiqué que l’ancien leader du gouvernement au Sénat avait adopté une approche collaborative et consensuelle. Ce que je viens d’expliquer remet cela en question. J’estime que le processus qui ressort du sous-amendement proposé par le sénateur Gold et le gouvernement Trudeau nous éloigne du processus de reddition de comptes et j’estime aussi que le gouvernement doit répondre aux questions sans préavis. C’est ce dont nous avons besoin. C’est ce que la motion du sénateur Housakos nous permettrait de faire. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

L’honorable Peter Harder : Honorables sénateurs, j’ai été heureux d’entendre le représentant du gouvernement au Sénat offrir une explication plus éloquente des préoccupations concernant la motion du sénateur Housakos, mais je me sens obligé de prendre la parole pour corriger certains faits du discours du sénateur.

Je ne prends pas la parole pour me défendre en tant qu’ancien représentant du gouvernement à l’égard de la participation aux réunions du Cabinet, du déroulement de la période des questions ou du rôle du sénateur Gold, mais pour défendre les dirigeants du Parti conservateur au Sénat.

Dans son évocation éloquente et nostalgique de la sénatrice Marjory LeBreton, qui a été la dernière leader du gouvernement membre du Cabinet, comme le savent de nombreux sénateurs, le sénateur Housakos a parlé par omission du sénateur Carignan. Lorsque le sénateur Carignan a été nommé leader du gouvernement au Sénat, il a bien sûr prêté serment comme membre du Conseil privé et, comme moi, il a participé aux réunions du Cabinet, au besoin, mais il n’était pas membre du Cabinet. Ce détail semble s’être perdu dans le souvenir nostalgique de cette lointaine époque.

Si les honorables sénateurs veulent repenser à cette époque avec nostalgie, je les invite à lire les 20 dernières pages du jugement rendu par le juge Vaillancourt, qui en dit long sur l’indépendance dont l’ancien exécutif a fait preuve envers le Sénat, mais je m’écarte du sujet.

J’aimerais parler plus particulièrement de la période des questions au Sénat. Il faut absolument rendre hommage au sénateur Carignan. Je vous invite à lire le discours du 24 février 2016, dans lequel il a expliqué avec éloquence pourquoi il est important pour le Sénat d’entendre les ministres en personne. C’est évidemment ce que nous avons mis en œuvre. Je crois que les mesures en ce sens ont été adoptées le 24 février. Je suis arrivé le 23 mars. Je pense que cela correspond à moins de cinq mois, mais on ne sait jamais.

Lors de ma première rencontre avec les leaders, nous avons discuté de la meilleure façon de s’entendre sur la procédure à suivre. Tout le monde sait que le sénateur Carignan, le sénateur Smith et, surtout, le sénateur Plett sont très timides lorsque vient le temps de donner leur avis, mais j’ai pu les convaincre de me faire part de leurs priorités, et je me suis efforcé de déterminer quels ministres devaient comparaître pendant la période des questions. D’autres leaders ont aussi été invités à suggérer des noms. Souvent, différentes circonstances ainsi que des problèmes d’actualité fournissaient des raisons évidentes de vouloir faire comparaître des ministres devant le Sénat.

Voilà comment s’est passée l’expérience. En quatre ans, je n’ai jamais participé à une discussion — soyons clairs : je ne parle pas des discussions sur le leadership — où il a été question d’un quelconque malaise parmi les leaders concernant cela. Mon bureau a reçu une lettre de la part du bureau du chef de l’opposition qui suggérait d’éliminer la période des questions. J’ai ignoré la lettre, comme il se doit, et aucun leader n’a abordé le sujet avec moi.

Il est toutefois important de mettre à profit l’expérience acquise au cours des quatre dernières années et de ne pas tarder à ramener cette innovation au Sénat, de sorte que nous puissions entendre les ministres et exiger des comptes de la part du gouvernement, ce qui est notre rôle.

Des voix : Bravo!

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, il arrive que le débat suscite le débat, et j’aimerais intervenir à ce moment-ci.

À mon arrivée au Sénat il y a plus de 10 ans, nous formions le gouvernement et l’opposition libérale siégeait de l’autre côté de la Chambre. Je me souviens de la période des questions à l’époque.

Le sénateur Plett : C’était le bon temps.

La sénatrice Martin : Pendant la période des questions, le leader du gouvernement — la sénatrice Marjory LeBreton, puis le sénateur Claude Carignan pendant une certaine période, et j’ai alors été leader adjointe — s’attendait à être bombardé de questions par l’opposition. D’ailleurs, les questions à l’intention du leader du gouvernement occupaient la majorité de cette période. Le leader du gouvernement devait pouvoir répondre à toute sorte de questions. Il avait d’épais cahiers annotés sur toute une gamme de sujets. Il était fin prêt à jouer son rôle.

Je sais que cette époque est révolue, et que la situation actuelle est différente. Depuis quatre ans, la frustration monte. Si l’opposition ressent une telle frustration, c’est parce que la proportionnalité est l’un des principaux principes que nous utilisons pour déterminer le nombre de sièges dans les comités et prendre d’autres décisions. À la période des questions, où l’opposition devrait pouvoir exiger des comptes de la part du gouvernement, le nombre de questions de notre part a été réduit en fonction de la proportionnalité. Je ne suis pas en train de dire que les autres sénateurs n’ont pas le droit de poser des questions. J’explique cependant que ce qu’est devenue la période des questions exacerbe la frustration.

L’opposition a le devoir d’interroger le gouvernement, de le mettre sur la sellette et de poser ces questions difficiles. C’est parce que nous n’avons pas de leader du gouvernement à proprement dire que nous avons décidé, comme nous l’avons expliqué, d’inviter des ministres à la période des questions.

Je me souviens que, les premières fois, les ministres se trouvaient au milieu de l’enceinte plutôt que du côté du gouvernement, car cela montrait l’indépendance du Sénat. On pouvait voir que les sénateurs nommés par le premier ministre Trudeau posaient également des questions aux ministres du gouvernement de l’époque. Cependant, je pense que nous avions des problèmes de son ou de technique, et c’est à ce moment-là que nous avons décidé de déplacer les ministres en visite du côté du gouvernement. Voilà quelques-uns des changements qui ont causé la frustration.

Avec tout le respect que je dois au représentant du gouvernement au Sénat, je lui dirais que le sous-amendement qu’il propose n’arrange pas les choses et que nous sommes davantage frustrés de ne pas obtenir ce que nous souhaitons. Cela dit, je comprends que nous allons y travailler. Nous avons constaté des changements lors de la période des questions, mais le droit de l’opposition de pouvoir demander des comptes au gouvernement est très important. J’espère que tous les sénateurs en tiendront compte dans leurs décisions sur le sous-amendement.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le sénateur Carignan : J’aimerais corriger les propos du sénateur Harder, qui a dit que je ne siégeais pas au Cabinet. Je siégeais à plusieurs comités du Cabinet, notamment le comité des communications et le comité chargé des opérations. J’étais membre à part entière du Cabinet, contrairement à lui qui n’y siégeait pas. Il y était invité. Pour ma part, je n’étais pas un invité. J’étais membre du Cabinet à part entière. Je tenais à apporter cette précision.

Deuxièmement, je ne peux pas accepter le sous-amendement du gouvernement, car le but de celui-ci — et plusieurs l’ont dit — est de recevoir un ministre sur des enjeux d’actualité. Il s’agit de garder le gouvernement responsable de ses actions. Il est important que le leader de l’opposition joue un rôle actif dans le choix des ministres qui comparaîtront au Sénat au cours des prochaines semaines.

(1540)

Il faut donc s’assurer que le ministre qui comparaît devant le Sénat traite d’enjeux d’actualité sur lesquels nous voulons attirer l’attention ou poser des questions.

Par exemple, on évitera de répéter une situation comme celle de cette semaine, où l’actualité traite principalement d’affaires autochtones, de ressources naturelles et de transports, et où le gouvernement décide de faire comparaître le ministre des Sports. Dans un cas comme celui-là, il y avait moins d’enjeux d’actualité sur lesquels nous voulions questionner le ministre.

C’est pourquoi le leader de l’opposition doit jouer un rôle actif dans le choix du ministre.

Même si les dispositions actuelles ou anciennes de la motion ne contenaient pas de cadre plus spécifique, il y avait tout de même une bonne collaboration de la part du leader du gouvernement de l’autre endroit. Nous étions conscients du contexte de reddition des comptes et nous choisissions un ministre qui respectait à la fois les positions de l’opposition et le programme très chargé des ministres. Il y avait une certaine négociation qui s’effectuait, étant donné que le rôle du leader de l’opposition est fondamental quant au choix du ministre, ne serait-ce que par souci de transparence et afin de garder le gouvernement responsable de ses actions.

[Traduction]

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, à certains égards, la question dont nous sommes saisis donne un avant-goût de la motion dont je voulais parler et qui est à l’étude en raison du recours au Règlement.

Elle se résume à déterminer, chers collègues, si l’opposition a des droits et des privilèges spéciaux que les autres sénateurs ne possèdent pas. Voilà l’essence de l’amendement proposé par le sénateur Housakos, un amendement qui accorderait à l’opposition le privilège tout particulier de désigner les ministres qui seraient invités à comparaître. Même si le reste d’entre nous représentons la grande majorité des sénateurs, nous ne jouissons pas de ce privilège.

En fait, le sous-amendement du sénateur Gold vise le même objectif que ma motion, à savoir assurer l’égalité des sénateurs et des groupes représentés au Sénat.

Je vous demande d’envisager l’amendement du sénateur Housakos sous cet angle. Croyez-vous ou non à l’égalité des sénateurs, et croyez-vous ou non à l’égalité des groupes représentés au Sénat?

Honorables collègues, je veux vous donner une autre raison pour laquelle il est très important de tenir compte du point de vue de tous les sénateurs et groupes de cette enceinte lorsque nous déterminons quel ministre inviter à la période des questions, au lieu de tenir uniquement compte du point de vue de l’opposition. Les sénateurs de l’opposition sont fiers de dire qu’ils font partie du caucus conservateur à la Chambre des communes.

Je suis heureux d’entendre la confirmation que nos collègues conservateurs croient qu’ils font partie intégrante du caucus conservateur à la Chambre des communes parce que cela signifie que la période des questions au Sénat sera la même en ce qui concerne l’opposition formée par le Parti conservateur...

Une voix : Non, ce n’est pas du tout le cas.

Le sénateur Woo : ... que la période des questions à la Chambre. Un simple coup d’œil au Hansard permet de déduire que les mêmes questions, ou des questions similaires, sont posées à la période de questions dans cette Chambre...

Le sénateur Plett : Barrages!

Le sénateur Woo : ... ainsi qu’à la période des questions ici. C’est pour cette raison que des sénateurs représentant d’autres intérêts — à savoir des sénateurs non partisans, le Groupe des sénateurs canadiens, des sénateurs progressistes —, doivent poser des questions qui ne sont pas nécessairement liés aux intérêts des députés à la Chambre des communes.

C’est de cette manière que nous arrivons à créer une distinction entre le Sénat et la Chambre des communes. C’est ce qui nous définit comme étant une Chambre de second examen objectif et non une Chambre d’écho de l’autre endroit.

L’honorable Lillian Eva Dyck : Sénateur Woo, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Woo : Oui.

La sénatrice Dyck : J’ai écouté votre intervention, et je ne me suis pas sentie égale aux autres. Je ne jouis pas des mêmes occasions d’intervenir dans cette enceinte ou de poser des questions parce que je fais partie d’un groupe progressiste du Sénat qui n’a pas atteint ce chiffre magique de neuf sénateurs. Il y a un groupe de sénateurs non affiliés qui compte entre 10 et 12 sénateurs, mais où en sommes-nous en ce qui concerne la proportionnalité et l’égalité?

Votre intervention était axée sur les groupes reconnus. Par conséquent, nous n’avons pas toujours les mêmes possibilités parce que notre groupe progressiste n’a pas atteint le chiffre magique de neuf sénateurs.

Le sénateur Woo : Vous soulevez un point qui sort de la portée de la question dont nous discutons en ce moment, sans compter que nous ne pouvons parler des négociations en cours. Cela dit, votre leader saura que mon groupe et moi estimons que tous les sénateurs méritent d’être représentés au sein des comités de manière proportionnelle à leur représentation au Sénat. J’espère obtenir une confirmation de cette promesse que j’ai faite. Je ne peux en dire plus pour le moment.

Le sénateur Plett : J’invoque le Règlement.

Son Honneur le Président : Sénateur Plett, vous invoquez le Règlement?

Le sénateur Plett : Oui. Votre Honneur, le leader des 55 sénateurs indépendants est en train de communiquer des renseignements qui font l’objet d’une discussion à un comité. Or, il a dit exactement l’inverse à ce comité. Il ne peut dire quelque chose qui est faux au Sénat. C’est un manquement au Règlement.

Le sénateur n’a pas donné de siège aux progressistes à quelque comité que ce soit.

Son Honneur le Président : Sénateur Plett, vos observations relèvent manifestement du débat. Je ne vois pas de recours au Règlement.

Le sénateur Plett : D’accord. Je vais exprimer mon opinion dès que le sénateur terminera de répondre aux questions.

Le sénateur Woo : Ce n’est pas tous les jours que l’on se fait accuser de mentir.

Le sénateur Plett : Alors ne mentez pas.

La sénatrice Lankin : De grâce!

Le sénateur Woo : Je ne prends pas la parole pour une question de privilège, mais je peux dire qu’il y a des gens ici qui sont au courant des conversations que j’ai eues et je les laisse décider s’ils veulent prendre la parole.

Je termine en soulignant qu’il s’agit d’une question fondamentale quant à l’égalité entre les sénateurs et les groupes représentés au Sénat. Dans le débat concernant le sous-amendement, j’espère que nous favoriserons l’égalité des groupes représentés au Sénat plutôt que le duopole gouvernement-opposition.

Son Honneur le Président : Souhaitiez-vous poser une question, sénateur Plett?

Le sénateur Plett : Non.

Son Honneur le Président : Le sénateur Housakos voulait poser une question. Il a la parole.

Le sénateur Housakos : Le sénateur Woo accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Woo : Oui, bien sûr.

Le sénateur Housakos : Dans votre intervention, vous avez affirmé que le Sénat diffère de la Chambre des communes. Or, à d’innombrables reprises, j’ai rappelé à nos collègues qu’en vertu de l’article 18 de la Loi constitutionnelle, lorsque les Pères de la Confédération ont créé cette Chambre haute hybride, ils lui ont conféré les mêmes privilèges, immunités et droits que possède la Chambre des communes de type Westminster. Gardons cela en mémoire.

Deuxièmement, la sénatrice Dyck a parfaitement raison. L’égalité parfaite n’existe pas. Toutes les assemblées législatives inspirées du modèle de Westminster ont un gouvernement qui jouit d’immunités, de privilèges et de droits, une opposition officielle dotée de droits et de privilèges uniques et un troisième parti lui aussi doté de droits et de privilèges. Ensuite viennent les indépendants avec leurs droits et privilèges.

Si on jette un coup d’œil aux règlements des systèmes parlementaires inspirés du modèle de Westminster et aux précédents qui les concernent, on constate qu’il en est effectivement ainsi.

Sénateur Woo, lorsque vous prenez l’ensemble de ces éléments en considération et que vous regardez la Chambre des communes — dont le Sénat suit le modèle, soit dit en passant — pouvez-vous me dire que la majorité n’y est pas égale parce qu’elle ne dirige pas les délibérations et ne joue pas le rôle principal à la période des questions?

(1550)

Le sénateur Woo : Il y avait une question dans tout cela, mais j’aimerais d’abord parler de la fausse affirmation concernant le Sénat et la Chambre des communes. Contrairement au sénateur Housakos, je ne donnerai pas aux honorables sénateurs mon interprétation personnelle de la différence entre les deux Chambres, mais plutôt celle de la Cour suprême, qui a déclaré ceci en 2014 :

« [e]n créant le Sénat de la manière prévue à l’Acte, il est évident qu’on voulait en faire un organisme tout à fait indépendant qui pourrait revoir avec impartialité les mesures adoptées par la Chambre des communes » [...] Les rédacteurs ont cherché à soustraire le Sénat au processus électoral auquel participaient les députés de la Chambre des communes, afin d’écarter les sénateurs d’une arène politique partisane toujours soumise aux impératifs des objectifs politiques à court terme.

Inutile d’en dire plus. Le renvoi de la Cour suprême que je viens de lire distingue clairement le travail du Sénat de celui de la Chambre des communes. Il explique pourquoi nous devrions continuellement essayer de nous distinguer, y compris lors de la période des questions. Nous avons trouvé un modèle qui fonctionne pour nous, à savoir le modèle que le sénateur Gold a décrit et celui que le sénateur Harder a mis en place. Soit dit en passant, je peux confirmer sans divulguer aucun secret des réunions des leaders, que cela s’est fait de façon cordiale, collégiale et avec la pleine participation, la plupart du temps, de toutes les personnes dans la salle. En l’occurrence donc, pourquoi ne continuerions pas de fonctionner selon ce modèle, surtout s’il nous aide montrer en quoi le Sénat se démarque, à voir comment il apporte une contribution supérieure à celle de la Chambre des communes? Voulons-nous vraiment être comme la Chambre des communes, avoir une période de questions qui ressemble à celle de la Chambre des communes? Nous voulons plus que cela. Oui, nous pouvons avoir cela aussi. Oui, nous pouvons — et devons —poser des questions difficiles au sénateur Gold, mais nous devrions avoir plus que cela aussi.

Chers collègues, je tiens à répéter mon argument. Cet enjeu ne touche pas simplement la période des questions; il s’agit également d’assurer l’égalité des groupes au sein du Sénat. Nous avons le pouvoir nécessaire pour faire cela. Nous en avons le pouvoir. Cela n’a rien à voir avec une loi ou la Constitution. Nous en avons le pouvoir. Nous sommes maîtres de notre destinée et nous devrions saisir l’occasion qui nous est offerte.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur Woo, ne confondez-vous pas les genres? Ne confondez-vous pas votre rôle de sénateur avec les différentes fonctions qui existent au Sénat, dont le Président du Sénat, le leader du gouvernement et le leader de l’opposition, qui jouent tous des rôles reconnus dans la Loi sur le Parlement du Canada et dans le Règlement du Sénat? Je comprends que tous les sénateurs sont égaux, mais ils n’occupent pas tous le même rôle au Sénat et n’ont donc pas tous les mêmes pouvoirs et fonctions. Je crois que vous mélangez les genres.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Non, je ne confonds pas les genres. L’entité que l’on pourrait qualifier de « Sénat multipolaire » ne date pas d’hier. C’est ainsi depuis 2015. Le Comité sur la modernisation du Sénat a étudié la question et il a formulé de nombreuses recommandations quant aux changements nécessaires. En fait, des recommandations contenues dans son rapport qui ont été mises en œuvre depuis reconnaissaient qu’il existe des groupes autres que ceux du gouvernement et de l’opposition.

La réalité, c’est que des sénateurs membres des comités font partie de groupes autres que ceux du gouvernement et de l’opposition. C’est une reconnaissance de la nouvelle réalité. Chers collègues, il faut que cette nouvelle réalité soit prise en compte dans notre Règlement. Il ne faut pas laisser un amendement comme celui proposé par le sénateur Housakos déformer cette réalité. S’il est adopté, cet amendement annulera tout le bon travail que nous avons entrepris il y a trois ou quatre ans en reconnaissant la nouvelle réalité que constitue l’existence d’autres groupes et en accordant à leurs membres les droits et les privilèges qu’ils méritent en tant que membres de la Chambre haute.

Le sénateur Plett : Sénateur Woo, pouvez-vous répondre à la question suivante : n’êtes-vous pas d’accord pour dire que, quand nous nous sommes rencontrés dans votre bureau pour discuter de la composition des comités et du nombre de sénateurs devant y siéger, vous, sénateur Woo, avez suggéré — et nous avons presque convenu de cette suggestion — que, pour les comités de quinze membres, le Groupe des sénateurs indépendants disposerait de neuf sièges, les conservateurs, de quatre sièges, et le Groupe des sénateurs canadiens, de deux sièges. Pour les comités de douze membres, le Groupe des sénateurs indépendants disposerait de huit sièges, les conservateurs, de trois sièges, et le Groupe des sénateurs canadiens, d’un siège. Pour les comités de neuf membres, le Groupe des sénateurs indépendants disposerait de cinq sièges, les conservateurs, de trois sièges, et le Groupe des sénateurs canadiens, d’un siège. Jamais le groupe progressiste ou les sénateurs non affiliés n’ont été inclus. En fait, nous avons convenu que si, après la formation des comités, il était impossible de pourvoir certains sièges et que la sénatrice Dyck ou le sénateur Dawson souhaitait obtenir l’un d’eux, il leur serait possible de demander à n’importe quel groupe — c’est à vous que je parle, sénateur Woo —, à n’importe quel sénateur, la permission de pourvoir le siège en question. N’est-ce pas exact, sénateur Woo? N’est-ce pas ce que nous avons décidé, ou avons-nous décidé d’inclure les progressistes dans la répartition proportionnelle?

Le sénateur Woo : Si je répondais à la question, j’enfreindrais le protocole et cela manquerait de savoir-vivre, car, comme nous le savons tous [...] en passant, le sénateur Plett a déjà invoqué le Règlement, alléguant que j’avais révélé des choses qui avaient été dites lors d’une réunion privée entre leaders. Je ne vais pas commettre de nouveau cette erreur. J’ai compris la leçon. Merci beaucoup. Je ne suis pas allé dans les détails et je ne vais certainement pas répondre à cette question précise concernant les détails de ce qui s’est dit ou non.

Le sénateur Housakos : Sénateur Woo, accepteriez-vous de répondre à une dernière question? Je suis content que vous ayez mentionné la décision de la Cour suprême, car, cette décision, au sujet de l’indépendance, indique clairement que ce qui explique notre indépendance, par comparaison à la Chambre, c’est que nous ne sommes pas tributaires des élections, contrairement aux députés. C’est ce qui nous donne cette indépendance.

Cela étant dit, dans la même décision, la Cour suprême du Canada a bien expliqué qu’aucun changement fondamental ne peut être apporté au rôle de la Chambre haute par une simple motion ou loi; un tel changement nécessite une réforme de la Loi sur le Parlement ou de la Constitution. Pensez-vous aussi que c’est ce que dit cette décision de la Cour suprême?

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 16 heures, le débat sur cette question est ajourné au nom du sénateur Woo pour le reste du temps dont il dispose, s’il souhaite l’utiliser.

Honorables sénateurs, je dois interrompre les délibérations. Conformément à l’article 9-6 du Règlement, la sonnerie se fera entendre afin de convoquer les sénateurs au vote reporté à 16 h 15 sur la motion du sénateur Black de l’Ontario.

Convoquez les sénateurs.

(1610)

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Premier rapport du comité—Rejet de la motion portant renvoi du rapport au comité

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Patterson, tendant à l’adoption du premier rapport (intérimaire) du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, intitulé Faits nouveaux et les mesures prises concernant le cinquième rapport du comité au sujet de la sénatrice Beyak, déposé auprès du greffier du Sénat le 31 janvier 2020.

Et sur la motion de l’honorable sénateur Black (Ontario), appuyée par l’honorable sénateur Richards :

Que, conformément aux articles 5-7b) et 12-30(3) du Règlement, le premier rapport du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs soit renvoyé au comité pour qu’il l’étudie à nouveau.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénateur Black (Ontario) propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Richards :

Que, conformément aux articles 5-7b) et 12-30(3) du Règlement, le premier rapport du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs soit renvoyé au comité pour qu’il l’étudie à nouveau.

La motion, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Marshall
Batters Martin
Black (Ontario) Mockler
Boisvenu Ngo
Carignan Plett
Dagenais Poirier
Duffy Richards
Greene Seidman
Griffin Smith
Housakos Verner
MacDonald Wallin
Manning Wells—24

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Jaffer
Bellemare Keating
Bernard Klyne
Boehm Kutcher
Boniface LaBoucane-Benson
Bovey Lankin
Cordy Loffreda
Cormier Lovelace Nicholas
Cotter Marwah
Coyle Massicotte
Dalphond McCallum
Dasko Mégie
Dawson Mitchell
Deacon (Ontario) Moncion
Dean Omidvar
Duncan Pate
Dupuis Petitclerc
Dyck Ravalia
Forest Ringuette
Forest-Niesing Saint-Germain
Francis Simons
Gagné Sinclair
Gold Wetston
Harder Woo—49
Hartling

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Campbell White—3
Downe

(À 16 h 21, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 5 février 2020, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)

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